2 Tunisiens sur 3 ne dénonceraient pas des actes de corruption selon une étude commandée par l’INLUCC

2 Tunisiens sur 3 ne dénonceraient pas des actes de corruption selon une étude commandée par l’INLUCC
2 Tunisiens sur 3 ne seraient pas prêts de dénoncer un acte de corruption à cause de la banalisation de telles pratiques a annoncé, vendredi, l’Instance Nationale de Lutte Contre la Corruption (INLUCC) en marge d’une étude réalisée autour de la perception de la corruption en Tunisie, par le cabinet de sondage et marketing BJKA.

Présentée en direct sur la radio l’Instance, Radio Nazeha, par le General Manager de l’Institut de sondage en présence du président de l’INLUCC Chawki Tabib et de l’ambassadeur d’Allemagne en Tunisie, les chiffres présentés sont éloquents.

Le secteur public pointé du doigt

38,5% des Tunisiens interrogés ont défini la corruption comme étant le fait de donner un pot-de-vin, à savoir, l’obtention d’un avantage ou d’un service en contrepartie d’une somme d’argent, d’un cadeau ou d’un autre service.

Selon cette étude de l’INLUCC, 1 Tunisien sur 4 définit la corruption comme le fait de donner de l’argent pour régler une affaire au niveau de l’administration. D’ailleurs, 90% des Tunisiens estiment que “la corruption est un fléau qui ronge l’administration”.

Dans la même veine, 87% des personnes interrogées estiment que la corruption fait partie “d’un système” et que cela “existe surtout dans le secteur public”.

D’une façon générale, 87,9% des personnes interrogées ont affirmé avoir perçu une hausse de la corruption depuis 2011, cependant pour une très large majorité -93,5%- cela reste un comportement immoral, bien qu’étant un “mal nécessaire” dans la vie quotidienne des Tunisiens pour près de 70%.

15% des Tunisiens soutiennent la corruption

Selon l’étude de l’INLUCC, 15% des Tunisiens soutiennent la corruption. Ces derniers ont un profil bien précis. Les hommes, les jeunes et les personnes les plus aisées sont les personnes les plus favorables à la corruption démontre l’étude.

17% des Tunisiens ont affirmé avoir personnellement corrompu quelqu’un pour un service. Dans 62,6% des cas cela a concerné la police et 27,7% des cas ont concerné des fonctionnaires de l’administration. 

Cependant, cet acte de corruption n’est pas acte isolé. En effet, 10,4% des personnes qui ont affirmé avoir personnellement corrompu quelqu’un pour un service, avoue l’avoir fait plusieurs fois (entre une et cinq fois) au cours d’une même année.

Par ailleurs, 1 personne interrogée sur 3 affirme avoir entendu parler d’un cas réel de corruption lié à un proche. Les bénéficiaires de ces actes de corruption sont principalement la police (dans 58,2% des cas rapportés) ou des fonctionnaires dans l’administration (dans 32,5% des cas rapportés).

Quels sont les secteurs les plus “corrompus”?

En instantané, c’est-à-dire, sans propositions faites par l’institut de sondage, dans la perception des Tunisiens, le secteur de la sécurité est le plus à même d’être corrompu pour 58,2% des personnes interrogées, suivi de la douane pour 49,6%, la santé pour 41,9% et enfin les administrations pour 40,5%. 

En dirigé, c’est-à-dire, après des propositions faites par l’institut de sondage, dans la perception des Tunisiens, le secteur de la sécurité reste le plus corrompu pour 90,4% des sondés suivi des partis politiques et des acteurs de la vie politique pour 89,8% des sondés, de la douane et de la santé.

Même il existe une quasi-unanimité (près de 90%) de Tunisiens qui pensent que la corruption a un impact négatif sur le pays, son économie, sa cohésion sociale, ses finances… “la corruption reste perçue comme un acte banal et normal” explique Samy Kallel, General Manager du cabinet de sondage et marketing BJKA.

Du positif malgré tout

Commentant cette étude, le président de l’INLUCC Chawki Tabib a noté qu’il existait quelques point qualifiés de “positifs”. Selon lui, la perception négative de la corruption par la quasi-majorité des Tunisiens qui la décrivent comme un “fléau” est un bon indicateur d’une prise de conscience de ce mal qui ronge la société. 

Pour Chawki Tabib, le fait que 87,7% des Tunisiens voient en la corruption un “système” est aussi de bon augure: “Nous l’avons répété à maintes reprises au sein de l’INLUCC (...) Aujourd’hui les Tunisiens en ont conscience. C’est un système qu’on a hérité, depuis très longtemps, certains parlent même d’un cycle qui existe depuis un ou deux siècles” affirme-t-il.

Si selon lui cette étude vient rassurer l’Instance sur son diagnostic, le président de l’INLUCC déplore cependant le fait que celle-ci ne jouisse pas de la confiance nécessaire de la part des Tunisiens. En effet, selon le sondage de BJKA, seulement 45,9% des personnes interrogées ont confiance en l’INLUCC.

Chawki Tabib explique cela par les prérogatives limitées de celle-ci et par “le dilemme” auquel elle est confrontée: “Nous, en tant qu’Instance, sommes tenus par une obligation de réserve et une obligation légale de ne pas révéler les dossiers comme le dispose la loi (...) Nous sommes aussi obligés de respecter la présomption d’innocence. En même temps nous devons montrer aux citoyens qu’il y a une justice, une redevabilité, que l’Instance fonctionne avec des moyens assez limités même au niveau des textes juridiques” dit expliquant ainsi pourquoi les gens peuvent exprimer un manque de confiance en l’INLUCC.

(Lien de la vidéo https://www.facebook.com/RadioNazaha/videos/vb.103421564483859/704013343765756/?type=2&theater)